"J'ai compris ce qu'était l'humilité" - Raphaëlle

"J’ai compris ce qu’était l’humilité. Celle de reconnaître : là, je ne peux pas, je n’y arrive pas toute seule. J’ai besoin de toi, tu peux m’aider ?" - Raphaëlle, volontaire

#volontaires , #témoignages

Après mes études en Lorraine, je me posais des questions sur le sens que je voulais donner à ma vie, à la fois sur les plans professionnel et spirituel, et j’avais besoin de faire une pause pour prendre le temps d’y réfléchir. J’ai décidé de faire un service civique. C'est comme ça que je suis arrivée à L’Arche...

Je n’avais pas vraiment d’expérience avec des personnes ayant un handicap mental ; juste une jeune femme, Diana, que j’avais rencontrée lors d’un pélé étudiants en 2013. On avait continué à s’écrire. Mais ce n’est que cette année, en 2017, après quelques mois passés à L’Arche, qu’on s’est téléphoné et même revues pour la première fois depuis quatre ans ! 

À mon arrivée, j’appréhendais un peu : mes réactions, les leurs ? À mon grand étonnement, ça s’est très bien passé : je me suis sentie tout de suite bien. Il a même été plus simple d’entrer en relation avec les personnes accueillies qu’avec les assistants. 

Cette année à L’Arche était pour moi l’année des toutes premières fois.

Depuis que j’ai quitté le cocon familial il y a cinq ans, j’ai l’habitude de me préparer à manger... mais je n’avais jamais cuisiné pour douze personnes ! (...) Pas très douée de mes mains, je suis devenue bricoleuse : pour la première fois de ma vie, je me suis servi d’un marteau et d’un clou pour accrocher un tableau au mur ! 
Moi qui ne me maquille jamais, j’ai été amenée à mettre du vernis à ongles à quelqu’un d’autre que moi ! Coiffer, shampouiner, couper les ongles, mettre de la crème solaire : L’Arche a été pour moi l’occasion de prendre soin de l’autre.

J’y ai appris que l’autre est mon reflet dans le miroir. La relation à l’autre me renvoie à moi-même. Les premiers mois de vie communautaire, j’ai été mise face à mes propres limites. Ce que je m’étais caché à moi-même, ce que j’avais enfoui bien au fond de moi – ces blessures du passé liées à mes fragilités et mes manques – a ressurgi, comme une claque en pleine figure. Et ça fait mal. En communauté, on ne porte pas de masque, on est mis à nu. Ça peut faire peur au début puis ça devient rassurant. On peut enfin être soi-même. On crée des relations authentiques. Car, bonne nouvelle : si la communauté révèle mes faiblesses, elle m’aide aussi à les accepter, à les retourner pour en faire une force ! Parce qu’on m’a fait confiance, j’ai aussi appris à me faire confiance, à lâcher prise et à développer ma créativité, à me responsabiliser, à prendre des initiatives. Et à parler en public ! Je me suis découvert des talents insoupçonnés ! 

"En communauté, on ne porte pas de masque. Ça peut faire peur
au début puis ça devient rassurant. On peut enfin être soi-même."

Beaucoup de choses ont changées pour moi cette année. 

Je ne me suis jamais trouvée bien sur les photos, pourtant, il y a quelques photos prises à L’Arche où je suis... rayonnante. Rayonnante de joie. D’une joie profonde. Chaque fois que je rentrais d’un week-end sortie ou de vacances, et encore aujourd’hui quand je viens rendre visite à mes amis de L’Arche, sur le chemin entre la gare et le foyer, je me sens légère, je presse le pas, je vole presque, j’ai le sourire jusqu’aux oreilles... Une fois où j’avais pris quelques jours de congés, à mon retour, j’ai été acclamée comme l’enfant prodigue ! C’est cette joie dont j’ai envie de continuer de rayonner, de témoigner autour de moi même après mon départ de L’Arche. 

L’Arche est un chemin de guérison (parce qu’on est toujours en « m’arche » !). Au contact des personnes en situation de handicap, j’ai compris ce qu’était l’humilité ; celle de reconnaître : « Là, je ne peux pas, je n’y arrive pas tout(e) seul(e), j’ai besoin de toi : tu peux m’aider ? » Moi aussi j’ai mes handicaps, mes fragilités ; j’accompagne mais j’ai aussi besoin d’être accompagnée. On se soutient mutuellement ; cela ne va pas que dans un seul sens. Après plusieurs mois passés à L’Arche, on finit par ne plus voir le handicap, ou plutôt, on regarde la personne avant « la personne handicapée qui a besoin d’être accompagnée. » 

À L’Arche, on reconnaît la valeur de chaque personne. Je suis aimée pour ce que je suis, parce que je suis. Ma fragilité est non seulement acceptée, mais elle est aussi considérée comme une source de fécondité. On s’adapte en fonction des capacités de chacun, en valorisant ce que la personne sait faire et en évitant de la mettre en échec en exigeant d’elle quelque chose qu’elle ne peut pas faire. Par exemple : je suis lente dans tout ce que j’entreprends, alors on faisait en sorte de ne pas me mettre d’accompagnements les soirs plus speed. On me confiait une autre mission comme donner un coup de main en cuisine, aller à l’arrêt de bus chercher ceux qui revenaient de l’ESAT, aider à l’organisation, imprimer un document, etc.

Des personnes en situation de handicap, j’ai découvert ce que signifie la tendresse, le sens de l’accueil, l’ouverture aux autres. J’accompagnais souvent Laura chez l’esthéticienne. À chaque fois, on rencontrait de nouvelles têtes : stagiaires, clientes… À chaque fois, Laura demandait : « C’est comment ton prénom ? », et après qu’on lui ait dit, elle répondait invariablement : « C’est beau comme prénom ! » 

Une fois, j’avais été un peu malade un soir. Le lendemain matin, tout le monde sans exception m’a demandé : « ça va mieux ? » ça fait tellement plaisir ! 

J’ai appris à L’Arche à dire ou exprimer par des gestes les mots « tu es précieux et je t’aime. » Les mots doux, les câlins, ça n’a jamais été mon fort. D’autres qui ont ce don se sont chargés de combler mon manque en la matière. Aujourd’hui je me prête volontiers à l’exercice. Déjà durant la première semaine que j’ai passée à L’Arche j’ai compris qu’on me disait : « je t’ai aimé(e) avant de te connaître, parce que tu es toi. » 

Cette expérience a été riche et inoubliable. Quelque chose me dit que l’histoire n’est pas terminée, qu’elle vient à peine de commencer et que je vais vivre encore de belles aventures avec L’Arche, ma famille d’adoption, car comme le disent en cœur Laura et Jean-Baptiste : « Ici, on est chez soi. » 

Raphaëlle, volontaire à L'Arche.